France : Macron et la mise en danger de la vie d’autrui – Par François Cocq (+ Réaction de Paul Jorion)

2020-03-13 17:29:29 - Emmanuel Macron a donc livré le verdict du Prince : les écoles vont fermer mais les élections municipales seront maintenues. Pour le reste, du bla-bla, et aucune mesure concrète à même d’aider nos dévoués soignants à faire face à la tâche immense qui les attend. L’incohérence et l’irresponsabilité dominent plus que jamais au plus haut sommet de l’Etat.

Macron a donc annoncé la fermeture des écoles pour lundi. Pourtant, hier encore, le ministre de la santé Olivier Véran déclarait que « mettre les enfants à l’école n’est pas dangereux ». Et ce matin même, le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer lâchait, sentencieux : « La fermeture totale des écoles n’a jamais été envisagée ». La fonction ministérielle n’est plus ce qu’elle était, tout au plus est-elle désormais une pitrerie sans conséquences. Car Macron s’est donc essuyé les pieds sur ses ministres pour prendre le contre-pied. Dont acte. Mais il faut entendre que s’il agit de la sorte, c’est bel et bien que le virus circule dès à présent, et depuis plusieurs jours au sein des établissements scolaires. Que Macron n’a-t-il pas pris cette décision plus tôt, à l’heure où le virus pouvait encore être contenu. Il aura fallu que l’Italie, la Slovénie, l’Ukraine, la République Tchèque, la Grèce, l’Irlande et tant d’autres accèdent à cette recommandation des scientifiques pour qu’enfin Macron nous place à leur remorque. Quinze jours précieux ont été perdus et la responsabilité, ou plutôt l’irresponsabilité de nos décideurs est entière.
 
Sauf que, pendant ce temps-là, Macron a confirmé la tenue des élections municipales pour les deux dimanches à venir. Si la situation nécessite la fermeture des écoles, si donc le virus circule largement, la tenue des municipales est elle aussi irresponsable. Imaginez : 60 % de participation (ce qui serait le plus faible taux de participation pour une élection municipale sous la 5e République) conduirait à ce que 25 millions de personnes se retrouvent ce week-end dans les bureaux de vote. Comment Macron peut-il alors prétendre vouloir « protéger les plus fragiles » et « freiner l’épidémie » en créant lui-même les conditions de sa propagation ?
 
Au-delà, cette décision est incohérente : partout dans le pays de nouvelles équipes municipales vont donc être installées dans 10 jours (quand l’épidémie sera plus avancée encore qu’aujourd’hui). Il leur faudra, et c’est bien naturel, plusieurs semaines pour s’installer dans leurs responsabilités. Or c’est précisément à ce moment que l’on aurait besoin d’une cohérence d’action et d’une efficacité dans la tâche. L’argument de la « continuité de la vie démocratique » tel qu’évoqué par Emmanuel Macron est un argument vide et creux. Il masque mal que le maintien des municipales répond avant tout aux petits arrangements en vase clos entre chefs à plumes qui privilégient les intérêts supérieurs des partis à la santé publique des Français.
 
Car toutes les oppositions institutionnelles se sont réduites au silence et ont failli à leur tâche démocratique depuis quinze jours, depuis que, reçues à Matignon par le premier ministre, elles ont fait acte d’allégeance à l’unité nationale. Depuis elles se sont naturellement gardées de demander des comptes sur la possible importation du virus dans l’Oise par nos propres troupes, elles se sont gardées d’envisager la fermeture des écoles. Pire, elles ont plaidé pour le maintien des municipales, toutes accaparées à leur nombrilisme électoraliste déconnecté des enjeux populaires et de l’intérêt général.
 
La crise sanitaire actuelle est un tournant, et pas seulement pour le quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais celui-ci a compris que pour essayer de se maintenir, il faudrait feindre de changer. Le voilà donc qui, l’air de ne pas y toucher, appelle à « interroger notre modèle de développement ». A la bonne heure. Mais qu’il soit entendu que tous ceux qui comme lui auront contribué à imposer le modèle d’aujourd’hui sont inaptes à porter celui de demain. D’ici là, lui et les autres devront rendre des comptes. Impréparation, inconséquence, irresponsabilité, les leçons devront être tirées le moment venu et la force populaire devra se doter d’une expression qui lui permette de répondre en temps réels aux enjeux de nos temps loin des atermoiements et calculs sordides de la caste d’hier.
 
Source : François Cocq, 12-03-2020

: France Monde