France : Bolloré « tout-puissant » réclame 700 000 euros à des journalistes ayant enquêté sur lui

2018-02-08 21:31:15 - Un livre d’investigation écrit par deux anciens journalistes de Canal+, met en avant de nombreuses révélations sur la censure des médias et les affaires politiques de Vincent Bolloré. Vivendi prend alors les devants et demande 700 000 de dommages et intérêts.

« Vincent tout puissant »
 
Alors qu’en 2015, Jean-Pierre Canet et Nicolas Vescovacci, journalistes d’investigations, travaillent pour Canal+, leur documentaire sur le Crédit mutuel-CIC se voit déprogrammé par Vincent Bolloré à la demande de Michel Lucas, PDG de la banque. Le documentaire sera alors diffusé sur France 3.
 
Dans ce livre-enquête, publié le 31 janvier,  les deux journalistes d’investigation racontent leur histoire avec Vincent Bolloré en mettant en lumière des affaires de censures et  d’intimidations. Le livre entre donc aux confins des affaires politique entre les médias et les entreprises afin de dénoncer, à nouveau, le manque de liberté d’information. Les invitations de politiques sur son yacht, les relations avec Sarkozy, la loi Florange, les coups de fil avec des députés… tout y passe et l’enquête pourrait en effet faire du bruit.
 
C’est pourquoi, quasiment un mois avant la parution  du livre aux éditions JCLattès, les auteurs reçoivent, par le biais d’un huissier, une sommation accompagnée d’une lettre signée par Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi depuis 2014. Inutile de souligner que Vincent Bolloré reste le président du conseil de surveillance et le principal actionnaire de la compagnie.
 
700 000 euros de dommages et intérêts
 
Ainsi, le groupe Vivendi affirme avoir subi du « harcèlement » de la part des journalistes et souhaite engager une procédure contre le livre. Les formes de harcèlement relevées seraient des « SMS et courriels » que les auteurs auraient fait parvenir dans le cadre de leur enquête aux dirigeants de Vivendi ainsi qu’à leur filiale Canal+ dans le but d’obtenir des « témoignages ».  La sommation signale donc que Vivendi engage une action visant à obtenir 700 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice causé au groupe.
 
Au sein du document, le groupe explique que « ces mails, initiés sous couvert de la rédaction d’un livre consacré à Vincent Bolloré, contenaient une série de questions orientées traduisant, tant sur le fond que sur la forme une volonté de nuire à Vivendi SA ». Il précise « La nature même des questions posées peut les assimiler à une forme de déstabilisation de nature à perturber le bon fonctionnement de l’entreprise ».
 
Une censure qui n’en finit pas
 
Cette action de censure du livre n’est pas sans rappeler l’histoire à la base même de celui-ci ! En effet, l’enquête des journalistes explique notamment les vraies raisons de la censure de leur documentaire en 2015 sur le Crédit Mutuel-CIC.
 
« Pendant l’été 2015, Vincent Bolloré a besoin des 3% de Canal+ détenus par le Crédit Mutuel-CIC qui lui-même gère pour partie l’opération de rachat des actions de la chaine. Autrement dit, Vinent Bolloré a « besoin » de Michel Lucas, patron de la banque mutualiste pour réussir son opération. (…) A ce jour, cette opération de rachat des actions de la société d’édition de Canal+ nous semble l’explication la plus plausible à la censure de notre film. Il s’agirait donc d’un simple « renvoi d’ascenseur à son ami Michel Lucas ».
 
Dans la foulée, le documentaire se voit être proposé pour une diffusion sur la chaine France 3. Quelques jours avant l’émission, Delphine Ernotte, présidente du groupe France Télévisions, prévient le PDG de la banque et affirme alors recevoir des menaces concernant « les contrats publicitaires de la banque présents sur les chaines du groupe », si le documentaire n’est pas retiré de l’antenne. Delphine Ernotte ne cédera pas à la pression.
 
La liste des procès s’allonge
 
Cette action en justice s’ajoute donc au procès face au journal Les Inrocks ouvert le 24 janvier, ou encore le procès ouvert le 25 janvier contre Médiapart, l’Obs et le Point ainsi que deux ONG Sherpa et ReAct, tous attaqués pour diffamation.
 
Ainsi depuis 2009, plus d’une vingtaine de procédures ont été lancées par Bolloré ou la Holding luxembourgeoise Socfin, fortement liée à Bolloré qui siège au sein du conseil d’administration, en France et à l’étranger.
 
L’ONG Reporters Sans Frontières a quant à elle coordonné le 24 janvier, une tribune cosignée par de nombreuses sociétés de rédacteurs, dénonçant les pressions sur les médias de la part de Vincent Bolloré.
 
par Auguste Bergot
 

: France Monde